Dans un royaume confiné,
Des Flandres aux Pyrénées,
Régnait, retranché,
Le marquis de Saint Honoré.

Il avait à demeure une personne âgée,
Qu’il devait protéger d’un mal
Et,
Plutôt que de faire ses malles,
Il barricada l’Elysée.

La peste rôdait, en effet,
Et dans le royaume on mourait
De vieillesse et de toux,
De fièvre et d’un peu tout.

Le marquisat bronzait,
Mais, afin d’animer les veillées
Il fit apparaître à ses tours,
Chaque jour,
Son meilleur troubadour.

La fée au pyjama
– c’est ainsi qu’elle s’illustra –
Divertissait d’outrecuidance
Et d’intrépides nonchalances
Ses fréquentes apparitions.

La pugnace
Avait plus d’un tour dans son sac.

– Il nous manque des masques!
criait la populace.

– Croyez-vous vraiment que l’attaque
d’un si petit virus par la bouche menace?
Moi-même, ce bâillon
sans aide je ne lace.

Les granges du palais,
Dépourvues de tissus,
Ne possédaient non plus
Respirateurs ni tests prêts.

Le marquis s’ennuyait.
Il convoqua son écuyer,
ci-nommé chef des armées.

– Mes déguisements se prélassent,
N’avez-vous pas quelque conquête
A mettre au prix de mes emplettes?
Qu’enfin je me déplace :
Brigitte est toujours sur mes traces!

– Sire, nous avons quelques toiles
Kaki
Et, à la belle étoile,
Des lits.

– Combien ? dit-il, réjoui.
– Trente.
– Tentes?
– Non, lits.
– Il suffit,
Tant que vos soldats me sourient
Et que mon journal applaudit.

Au pays des cigales,
Maladroit mais savant,
Un professeur tentait un nouveau traitement.

On lui trouva la gale
A forme médiatique :
Il avait les cheveux sans élastique,
Comme ses protocoles scientifiques.

– Passons le consulter!
Proclama le marquis,
Qu’on me voie avec lui!
Et, revenu à l’Elysée,
Qu’on l’oublie!

Le temps passait
Et le marquis des visites se lassait.
La fée,
Lustrant son ridicule,
Avait perdu tous ses crédules :
Il se plut à intervenir
En son nom.

Le son des violons
Accompagnait ses dires
Tandis que se comptaient les morts
Et riche à exprimer des autres le remord,
Il donna la date du bal
Pour sa prochaine apparition,
Laissant se fatiguer soignants, soldats et Matignon
Pour occuper les gueux et vider l’hôpital.

Morale:
Quand un prince sort trop souvent,
Ne regardons pas son spectacle :
Mieux vaut un souverain qui décide au placard,
Efficace et blafard,
Qu’un prince omniprésent, rutilant et bavard,
Que, tôt ou tard,
Les faits taclent.

François BERT